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Les joueuses de jeux vidéo

Au fil des années, les femmes ont commencé à prendre une place de plus en plus importante dans le monde des jeux vidéo, mais elles sont souvent confrontées aux obstacles et aux préjugés. Bien que les femmes représentent une part importante des joueurs de jeux vidéo, elles ont encore du mal à être acceptées par la communauté des gamers.

Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, les jeux vidéo ont longtemps été considérés comme un passe-temps masculin. Le joueur, appelé geek ne correspond pas aux critères d’homme sportif, viril. Cependant, dans l'univers des jeux vidéo, le geek peut retrouver une forme de pouvoir et de masculinité en affichant fièrement son expertise et ses performances dans le domaine de l'informatique, traditionnellement associé aux hommes. Les jeunes garçons sont alors une cible marketing parfaite pour l’industrie du jeu vidéo. Les pubs des jeux vidéo ont utilisé ce complexe du geek dévirilisé pour vendre des consoles et des jeux en leur promettant qu’ils pourront réaffirmer leur virilité. Par exemple, nous pouvons citer la fameuse pub SEGA et son slogan : “16 bits, c’est plus fort que toi” ou tout simplement l'appellation de la première console portable de Nintendo : la Game Boy.

 

Les femmes qui jouent aux jeux vidéo peuvent être perçues comme des intruses, des joueuses qui ne font pas partie de la "vraie communauté des gamers ». Cela s’explique lorsque l’on comprend que les personnages qu’incarnent les joueurs servent de modèle de masculinité, comme une sorte de repère et sont un moyen de s’affirmer.

femme qui joue

Mais pour comprendre ce qu’est la masculinité ou la féminité, il faut s'intéresser au genre. Je vais à présent essayer de poser une définition du genre, tâche que des centaines de chercheuses féministe on chercher à faire depuis des dizaine d’années. Je vais tenter de faire au mieux en restant synthétique.
Dans le documentaire de Sofia Versaveau alias GameSpectrum sur « qui sont les joueurs de jeux vidéo » Marion Coville, chercheuse en études de genre et technologie explique que le genre est un rapport social qui organise nos interactions et notre perception. Le genre est également un rapport de pouvoir, où le comportement masculin est davantage valorisé que le féminin. Ainsi, lorsque l’on parle de masculinité dans les jeux vidéo, on parle de la représentation et des valeurs associés aux hommes. Le genre est quelque chose qui s’apprend. “On apprend à se comporter en femmes à travers tous ces petits gestes dans l’éducation et dans le quotidien”.

C’est une construction sociale, qui est le résultat d’un conditionnement. Ainsi, le genre différencie les hommes et femmes par des constructions sociales apprises avec le temps. Le genre façonne les pratiques sociales et culturelles. Cette explication s’incarne dans plusieurs stéréotypes de la société comme par exemple : les petits garçons doivent avoir les cheveux courts et ne pas porter de rose. On comprend ainsi que le genre n’est pas naturel mais culturel. L'une des raisons pour lesquelles les femmes sont souvent maltraitées dans les jeux en ligne est le sexisme généralisé dans notre culture. Les stéréotypes selon lesquels les femmes sont faibles, émotives et moins compétentes que les hommes sont encore largement répandus. De plus, il est souvent plus difficile pour un homme d’admettre qu’il est moins fort ou qu’il s’est fait battre par une femme, car cela signifie que sa domination est faillible ou en danger.
Cela peut être dû à la culture dans laquelle il évolue, à ses croyances personnelles, à son niveau d'estime de soi et à sa relation avec la personne qui l'a battu.

Dans de nombreuses cultures, les hommes sont souvent encouragés à être compétitifs et à afficher une certaine forme de dominance ou de force. Par conséquent, certains hommes peuvent avoir plus de mal à admettre qu'ils ont été battus aux jeux vidéo par une femme ou qu'ils sont moins forts qu'une femme dans ce domaine.

Dans la société actuelle, le masculin “l’emporte sur le féminin”. Marion Coville utilise le terme de “masculinité hégémonique” pour traduire l’idée du modèle dominant. Être un homme, c’est s’éloigner au maximum du modèle et des caractéristiques féminines, qui sont des caractéristiques dites “faibles”. L’utilisation du terme hégémonique reprend aussi la théorie de Patricia Hill Collins sur la matrice de la domination, qui décrit l'organisation des relations de pouvoir et d'un système d'oppression reposant sur plusieurs niveaux, dont le niveau hégémonique. Si l’on n’impose pas par la force une représentation, elle reste, par son omniprésence et le manque d’alternative, notamment dans les médias, le modèle dominant (images performatives qui rendent certains traits ou caractéristiques « normales » voire « naturelles » ).

Cette figure hégémonique est aussi théorisée par la sociologue australienne Raewyn Connell et son concept de masculinité hégémonique, dont la perpétuation sert à maintenir la domination masculine. Il ne s’agit pas d’une masculinité prédominante au sens statistique, mais d’une masculinité normative : « Elle correspond à la façon actuellement la plus reconnue d’être un homme, implique que les autres hommes se positionnent par rapport à elle, et permet de légitimer d’un point de vue idéologique la subordination des femmes à l’égard des hommes » (Connell et Messerschmidt).

 

C’est pour cela que l'on retrouve de nombreuses remarques sexistes dans l’univers du jeu vidéo comme par exemple : le célèbre "jouer comme une fille”. Ces insultes permettent d’éloigner les filles de ce milieu et d’affirmer que c’est un domaine d’homme et donc de virilité. La notion de masculinité geek ne peut être définie qu'en effaçant la féminité qui lui sert de contraste. Le sexisme, le racisme et l'intimidation sont des problèmes courants dans la communauté des gamers, et les femmes sont souvent la cible de ces comportements. Ce harcèlement peut prendre de nombreuses formes, allant des insultes et des commentaires dégradants aux menaces et aux attaques physiques. Les joueuses qui sont harcelées en ligne peuvent se sentir intimidées, isolées et découragées. 

De plus, de plus en plus de streameuses dénoncent les vagues de cyber-harcèlement dont elles sont victimes.

"Je suis épuisée" : victimes de harcèlement sexuel en ligne, des streameuses de Twitch dénoncent un enfer quotidien

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Le GamerGate

Les femmes qui sont harcelées en ligne seront moins enclines à poursuivre une carrière dans l'industrie du jeu vidéo, ce qui conduit à une sous-représentation générale des femmes dans cette industrie comme nous l’a prouvé le GamerGate.

Le GamerGate est un mouvement controversé qui a débuté en 2014 et qui a secoué l'industrie du jeu vidéo. À l'origine, le GamerGate se présentait comme une protestation contre l'éthique journalistique dans les médias de jeux vidéo, mais il a rapidement pris une tournure sexiste et misogyne. Le mouvement a commencé lorsque des accusations ont été portées contre un développeur de jeux vidéo pour avoir eu une relation extra-conjugale avec une journaliste de jeux vidéo (ce qui s’est avéré faux au final). Les membres du mouvement ont utilisé cela comme une justification pour lancer des attaques en ligne contre la journaliste, ainsi que contre d'autres femmes dans l'industrie du jeu vidéo. Ces attaques ont pris la forme de harcèlement, de menaces de mort, de piratage de comptes de réseaux sociaux dans le but de réduire ces femmes au silence. Les femmes qui ont été ciblées par le mouvement ont témoigné d’expériences traumatisantes de cyber-harcèlement, de surveillance et de menaces de violences physiques. Des jeux ont été créés par certains individus ou groupes et avaient pour but de dénigrer ou de défigurer Anita Sarkeesian, une critique culturelle et vidéaste connue pour son travail sur la représentation des femmes dans les médias et les jeux vidéo et qui est une figure centrale du mouvement. Le GamerGate a été condamné par de nombreuses personnes dans l'industrie du jeu vidéo et par le grand public. Les critiques ont souligné que le mouvement était fondamentalement sexiste et que sa rhétorique et ses tactiques rappelaient celles de la culture du harcèlement en ligne. Cela a mis en lumière les défis auxquels sont confrontées les femmes dans l'industrie du jeu vidéo. En fin de compte, le GamerGate reste un exemple de la façon dont la culture toxique peut se manifester dans cette industrie. Il est important de noter que le harcèlement en ligne n'est pas seulement un problème pour les joueuses, mais également pour toutes les femmes qui utilisent Internet pour s’exprimer. 

Anitta Sarkessian

Une disparité entre les joueurs et joueuses

Pour rappel, en France, 51 % des joueurs sont des femmes selon le SELL, mais en réalité derrière ce chiffre se cache une grande disparité. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles il est observé que les hommes jouent plus souvent aux jeux vidéo sur ordinateurs et consoles, tandis que les femmes préfèrent les jeux mobiles.

Les jeux vidéo sur ordinateurs et consoles sont souvent associés à des jeux plus complexes et avancés, nécessitant des compétences de jeu plus élevées et un investissement plus important en temps et en argent. 
Les joueurs masculins sont souvent plus enclins à rechercher des défis plus élevés et des expériences de jeu complexes. D'un point de vue socioculturel, la compétition est considérée comme une qualité masculine. Les garçons sont encouragés à être forts, à être les meilleurs dans tout ce qu'ils font et à se battre pour réussir. Cette pression sociale les pousse à chercher constamment à prouver leur valeur par le biais de la compétition tandis que les joueuses féminines sont souvent plus attirées par des jeux plus simples et faciles à prendre en main, ce sont pour elles de simple passe-temps qui ne les engage pas émotionnellement.

D’ailleurs, certains joueurs ne considèrent pas leur proche féminine qui joue à des jeux mobiles comme une joueuse à part entière. Il peut y avoir une certaine stigmatisation associée aux jeux mobiles, souvent considérés comme moins complexes ou moins compétitifs que les jeux sur console ou PC. De plus, certains joueurs peuvent avoir des attentes spécifiques en termes de types de jeux ou de niveaux d'engagement qui ne sont pas satisfaits par les jeux mobiles.

Graph réalisé par Le Monde
Jeu mobile Candy Crush

La prédilection des femmes pour les jeux mobiles s’explique par le fait que les femmes consacrent moins de temps aux loisirs que les hommes. Selon une étude du SELL, la moyenne d’âge des joueurs et joueuses de jeux vidéo est de 39 ans. D’après une étude menée par La Presse, les femmes consacrent généralement moins de temps à des activités de loisirs que les hommes, mais elles s'adonnent souvent à ces jeux pour combler un temps mort (forcément court) entre deux activités. En effet, elles consacrent plus de temps aux tâches domestiques ce qui par conséquent leur laisse moins de temps pour jouer. En outre, les jeux mobiles sont plus accessibles et plus faciles à jouer en déplacement, tandis que les jeux sur ordinateurs et consoles sont généralement associés à des sessions de jeu plus longues et nécessitant un emplacement fixe.


Il est important de noter que ces tendances ne sont pas absolues et qu'il existe des femmes qui jouent à des jeux vidéo sur ordinateurs et consoles, tout comme il existe des hommes qui préfèrent les jeux mobiles.

L'esport

Esport

Cela explique également pourquoi dans le domaine de l’esport, il y a très peu de femmes malgré le fait que certaines compétitions soient mixtes. Parmi les 1000 personnes les plus riches dans le domaine de l’esport, il n’y a qu’une femme. Alors tout d’abord, qu’est-ce que l’esport : L'esport, est une activité compétitive qui se déroule sur des jeux vidéo. Les joueurs professionnels s'affrontent dans des compétitions organisées en ligne ou en personne, pour gagner de l’argent, des trophées ou des titres. L'esport est devenu une industrie en pleine croissance au cours des dernières années, avec des millions de joueurs et de spectateurs à travers le monde. Les événements d'esport attirent souvent de grandes foules et des sponsors importants, et les joueurs professionnels peuvent gagner des sommes considérables grâce aux compétitions et aux contrats de sponsoring.

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles il y a moins de sponsors pour les joueuses d'esport, bien que cela change progressivement avec une augmentation récente du nombre de joueuses professionnelles.

Tout d'abord, l'esport est encore une industrie relativement jeune, et les marques ont traditionnellement cherché à se concentrer sur les joueurs masculins, qui sont considérés comme le public principal. Cette perception a créé un cercle vicieux où le manque de sponsors pour les joueuses décourage leur participation. Enfin, le manque de représentation féminine dans l'esport peut rendre plus difficile pour les joueuses de se faire remarquer par les sponsors. Encore une fois, c’est un cercle vicieux.

Les sponsors ont tendance à soutenir les joueurs ou les équipes qui ont déjà une base de fans importante, et les joueuses peuvent avoir du mal à construire une telle base en raison de leur faible représentation dans l’industrie. On peut faire le rapprochement avec les compétitions sportives féminines qui sont souvent moins regardées que leurs homologue masculines car elles intéressent moins le public.

Femmes esport
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